CÓLERA – ANALYSE DU COURT MÉTRAGE
CÓLERA – « Le film raconte comment, dans des conditions malsaines, une société répond par la violence en marginalisant les individus. » Aritz Moreno
TRAME
Une foule de villageois traverse rageusement champs et lit de rivière. L’homme en tête porte un fusil à pompe ; ceux qui le suivent brandissent des outils agricoles.
PLAN D’ACTION
Les villageois, toujours furieux, atteignent une cabane qu’ils bombardent de pierres pour en faire sortir l’occupant. Lorsqu’il se montre, ils se referment sur lui.
RÉCIT
Des villageois armés cherchent à chasser un cholérique installé depuis près de deux mois dans une cabane au bord de leurs champs, et finissent par l’abattre.
SUJET
Individu et société, marginalisation, maladie, colère, haine, violence, lynchage, peur.
PERSONNAGES
Homme armé : Chef des villageois et tireur. Après avoir tué le malade, il est considéré comme un héros par tous. Vieille femme : Véritable meneuse, elle pousse l’Homme armé et les villageois à agir. Petite fille : Enfant qui imite ses aînés. Vieil homme : Villageois lâche. Homme malade : Homme atteint du choléra vivant seul dans une cabane à l’écart. Villageois : Manipulés par la Vieille femme, encouragés par l’Homme armé et craignant pour leur sécurité, ils lynchent le malade.
CONFLITS
Le conflit principal oppose tous les villageois à l’Homme malade. Les valeurs en jeu révèlent la société contre l’individu, la foule lyncheuse contre la raison, le sain contre le malade.
CRISES
Le film débute directement par une crise. Une foule en colère avance vers une cible pour calmer sa rage et assurer sa sécurité. La seconde crise survient lorsque la Petite fille lance une pierre sur l’Homme malade.
POINT CULMINANT
L’action atteint son apogée lorsque l’Homme malade est abattu au fusil.
DÉNOUEMENT
La scène du panneau, que nous avons qualifiée de crise finale, constitue également la résolution du film. Les villageois pensent trouver leur salut en tuant quelqu’un qui n’est pas « sain » comme eux.
THÈMES
Le thème le plus évident est que les mauvaises actions ne restent jamais impunies. De plus, les communautés fermées ont tendance à marginaliser ceux qui sont différents ; la peur engendre la violence, et la violence est contagieuse.
DISCOURS ET POINT DE VUE
Pour révéler le sens profond de Cólera, commençons par expliquer ce qu’est le choléra. C’est une maladie qui apparaît dans de mauvaises conditions, se propage facilement et se transmet souvent par l’eau. Si l’on prend le titre au pied de la lettre, le message du film se résume à « on récolte ce que l’on sème ». Dans Cólera, les barbelés autour de la cabane, la peur des villageois et leur violence finale dépassent la simple question d’une maladie.
Chaque personnage représente une partie allégorique de la société. On peut l’illustrer ainsi :
HOMME MALADE – L’Autre, la minorité VIEILLE FEMME – Autorité, dirigeante HOMME ARMÉ – Armée, police VILLAGEOIS – Peuple, société VIEIL HOMME – Ancienne génération PETITE FILLE – Nouvelle génération
Homme malade
Ce personnage représente la minorité qui diffère au sein d’une société. Les minorités sont souvent perçues comme dangereuses en raison de leurs différences.
Vieille femme
Ce personnage symbolise dans l’allégorie les leaders de la société. C’est elle qui est la plus dérangée par la minorité (l’Homme malade) et qui incite la communauté (les Villageois) et l’armée (l’Homme armé) contre celle-ci.
Homme armé
Motivé par la Vieille femme (l’Autorité), il purifie la société des minorités dangereuses. Il représente l’armée ou des structures similaires et combat les ennemis.
Villageois
Ces personnages symbolisent des populations repliées sur elles-mêmes, faciles à manipuler par la peur. À travers eux, le film aborde la culture du lynchage, car ils prennent fourches et bâtons pour tuer l’Homme malade.
Vieil homme
Il représente l’ancienne génération attachée aux traditions. Cette génération peut rejoindre l’armée (se ranger aux côtés de l’Homme armé) sans hésiter malgré son âge, pour défendre la communauté.
Petite fille
Ce personnage représente la nouvelle génération. Nous la voyons imiter les autres villageois dans son attitude envers l’Homme malade ; la jeunesse, qui devrait porter l’espoir, ne fait que reproduire la violence. (Une autre couche allégorique utilise les mouches ; nous y reviendrons dans les sections son et montage.)
CÓLERA – CONCEPTION DE MISE EN SCÈNE
Jeu d’acteur
La performance la plus marquante est celle de l’Homme armé. Ses dialogues avec la Vieille femme montrent qu’elle le convainc.
Décor
Les lieux servent le récit : un champ, un lit de rivière et une cabane en bois. Le choix du champ aide à définir l’identité des villageois.
Son et musique
Le son et la musique se répartissent en trois catégories : bruits stridents dérangeants, bourdonnement des mouches et musique jouée au violoncelle.
Bruits stridents dérangeants :
Ils sont présents dans le générique et à la fin. Le réalisateur annonce clairement au spectateur : « Ce film va vous déranger. »
Bourdonnement des mouches :
Ces sons singuliers apparaissent au début, au milieu et à la fin. Ils créent une atmosphère malsaine et soutiennent l’idée d’une « colonie de mouches » attaquant, que nous aborderons dans la partie montage.
Musique jouée au violoncelle :
Le choix du violoncelle est significatif car son timbre rappelle le bourdonnement des mouches. La musique commence lors de la marche initiale et soutient fortement le récit.
Montage
Le montage se distingue d’abord par l’absence de coupes. Le spectateur est placé au cœur de l’action, ce qui renforce le réalisme. Comme il s’agit d’un plan séquence, le son et la musique prennent de l’importance. En tenant compte du montage sonore et musical, on peut avancer l’idée suivante : dans la mise en scène du plan séquence, les villageois se déplacent comme une colonie de mouches se refermant sur l’Homme malade. Le fait de l’encercler à sa sortie et l’arrêt de la musique au violoncelle après sa mort en sont la preuve.
CÓLERA – ÉVALUATION
Les analyses ci-dessus montrent que Cólera repose sur un récit solide. Les actions et les propos sont correctement placés dans l’histoire et révèlent le sens sous-jacent. Chaque personnage occupe la place qui lui revient dans la chaîne des événements, la matière dramatique est utilisée à bon escient, et les éléments techniques comme le son et l’image soutiennent le récit. Enfin, on peut ajouter qu’Aritz Moreno, partant d’une maladie, repousse les limites de la créativité et porte sa critique de l’homme et de la société à son paroxysme.
Références
- IMDB. (2021, 01 23). Cólera (2013). IMDB.
- Moreno, A. (Réalisateur). (2013). Cólera [Court métrage].
- Ministère turc de la Santé. (2017, 1 1). Choléra. Ministère de la Santé – Direction Générale de la Santé Publique.