L’Ours – Anton Pavlovitch Tchekhov (Analyse de la pièce)
L’OURS – ANTON TCHEKHOV L’Ours est une courte pièce qu’Anton Tchekhov écrivit à l’âge de 28 ans. La période durant laquelle elle fut écrite (1888) correspond à d’importants bouleversements politiques, économiques, sociaux et culturels dans la société russe. On peut ainsi y lire le chaos de la Russie de l’époque.
En tenant compte de la structure chaotique de la Russie de cette époque, on peut penser que Tchekhov a construit dans « L’Ours » une satire allégorique. Pour étayer cette idée, voici un tableau :
EMPEREUR (Alexandre II Nikolaïevitch) | Empire RUSSE | PROPRIÉTAIRES FONCIERS (seigneurs serfs) | INTELLECTUELS | PEUPLE |
---|---|---|---|---|
Nikolaï Mikhaïlovitch | Iéléna Ivanovna Popova | Grigori Stépanovitch Smirnov | Louka | Tobi |
En s’appuyant sur ce tableau, la satire allégorique mise en place par Tchekhov apparaît clairement. Pour mieux comprendre, voici quelques notes sur la Russie chaotique de l’époque :
- Alexandre II Nikolaïevitch régna de 1855 à 1881 et fut assassiné en 1881. (Le mari défunt de Popova, Nikolaï Mikhaïlovitch…)
- Alexandre II abolit le servage des paysans en 1861. (Ce n’est pas un hasard si Smirnov est un propriétaire terrien.)
- Vers la fin de son règne, le libéralisme commença à influencer la Russie. Avec lui arriva le capitalisme. Le revolver de l’industriel américain Samuel Colt et la firme d’armes Smith & Wesson avaient de nombreux contacts avec la Russie constamment en guerre. (Les armes souvenirs de Nikolaï Mikhaïlovitch étaient aussi de la marque Revolver fabriquée par Smith & Wesson.)
Quelques exemples de dialogues : « Hier à l’aube, je suis parti de chez moi, je suis allé voir tous ceux qui me devaient de l’argent, et pas un n’a payé ! » (Les difficultés économiques de l’époque)
« Que dois-je faire ? Dois-je monter en ballon pour fuir les usuriers ? » (La destructivité du capitalisme)
« Si tu ne t’occupes pas des chevaux, je monterai sur ton dos. » (Relation entre le peuple et le pouvoir)
« Quelle poisse ! Il fait tellement chaud, personne ne m’a donné d’argent, je n’ai pas dormi de la nuit, cette pleurnicheuse dit qu’elle n’est pas en état de s’occuper des questions d’argent… J’ai mal à la tête… Je devrais peut-être boire de la vodka ? Oui, je vais en boire. » (L’insouciance du peuple russe)
« Combien de fois faut-il que je le dise : j’ai besoin de l’argent immédiatement. Si vous ne payez pas aujourd’hui, demain je devrai me pendre. » (L’état de l’économie)
« LOUKA : Tout le monde est parti cueillir des fraises… Il n’y a plus personne à la maison… Je me sens mal ! Donnez-moi de l’eau ! » (La population qui quitte le pays)
« Pensiez-vous que j’aurais peur de vous parce que vous avez de puissants poings et un cou de taureau ? D’un ignorant comme vous ? » (Tchekhov s’adressant au peuple russe borné)
« Je n’ai jamais aimé personne autant que je vous aime ! J’ai quitté douze femmes, neuf m’ont quitté, mais je n’en ai aimé aucune autant que vous… » (Les chiffres donnés pourraient faire référence aux dirigeants de la Russie jusqu’alors)
« Il n’y a rien, vous pouvez partir, ou restez… Non, partez ! Je vous déteste ! Ou non, ne partez pas ! Ah, si vous saviez comme je suis en colère ! » (L’attitude de la Russie envers son peuple)
« Louka, dis aux garçons de l’écurie de ne pas donner d’avoine à Tobi aujourd’hui. » (Le peuple à nouveau affamé)
Ainsi, lors de la mise en scène, il est très important de prendre en compte cette structure allégorique.
Bibliographie
Tchekhov, A. (2012). L’Ours. Istanbul : Türkiye İş Bankası Yayınları.