ADEM İŞLER
10 minutes de lecture Écrit par humain

Le Cid (Analyse de la pièce)

Table des matières

Le Cid Analyse

ANALYSE DE “LE CID”

Contexte culturel et politique

Avant d’aborder les tendances présentes dans Le Cid, je pense qu’il faut d’abord évoquer le parcours de la pièce. Le Cid occupe une place très importante dans le Mouvement classique et dans le théâtre français. Après avoir été représentée, l’œuvre a rencontré un vif succès mais a essuyé de nombreuses critiques de la part des théoriciens de l’époque. Les débats prirent une telle ampleur qu’ils finirent par éclipser la pièce elle-même. La nouvelle Académie française joua un grand rôle dans l’ouverture de ce procès. Avec sa création, des règles strictes de forme et de style furent imposées à l’écriture dramatique. Ces règles s’inspiraient des œuvres des auteurs de la Grèce antique et surtout d’Aristote, ainsi que des théoriciens ultérieurs comme Horace. Les théoriciens qui adoptèrent ces règles étaient aussi influencés par la situation culturelle, sociale et économique de la France. La suprématie de la philosophie et des sciences amena le rationalisme, et la manière dont un texte théâtral devait être conçu fut définie selon la raison. La confiance grandissante accordée à l’esprit humain favorisa l’établissement de règles rigides au théâtre. En bref, s’il existe un ordre dans l’univers, il doit aussi y avoir un ordre dans les pièces.

Le Mouvement classique, qui prend pour base la raison, l’ordre et la mesure, se développa à une époque où l’autorité royale se renforçait en France comme en Angleterre. Ces monarchies étaient dans une situation économique favorable. L’agriculture et le commerce colonial en étaient les deux piliers. Les succès obtenus dans ces domaines apportèrent prospérité et pouvoir. Durant ces années le théâtre bénéficiait du soutien et du contrôle de la couronne dont l’autorité était bien établie. Les rois de France en particulier encouragèrent fortement le théâtre et montrèrent la voie aux autres pays européens.

Le prix du soutien accordé par la cour au théâtre fut le contrôle. Dans cette période, le théâtre avait pour mission de préserver et de glorifier l’ordre établi. Il devait défendre les valeurs sociales, se montrer éducatif et viser l’intérêt général. Pour ce faire, une forme et un style rigoureux étaient de mise. Parmi les prescriptions figurent la pureté, une longueur déterminée, la cohérence organique, la constance, la règle des trois unités, les cinq actes, pas plus de trois personnages parlant en scène et l’absence de scènes sanglantes.

En résumé, on vit se dessiner en France un théâtre simple, favorable à l’ordre établi, moralement édifiant, à l’expression soignée, attentif à la langue et rigide dans la forme. Cette conception ne s’appesantit pas sur des pensées profondes et se contente de punir les excès. Les débats autour de Le Cid jouèrent un grand rôle dans l’élaboration de ces règles. Plus haut, nous avons donné quelques informations générales sur la période d’écriture de la pièce. Poursuivons maintenant avec quelques exemples plus précis.


Le parcours de la pièce

Pierre Corneille, auteur le plus important du théâtre français, considérait Le Cid comme son œuvre maîtresse. Les théoriciens de son époque n’étaient pas du même avis. Pour eux, Le Cid comportait de nombreuses imperfections : absence de suspense, concentration de plusieurs événements en un temps restreint nuisant à la vraisemblance, absence de sanction des excès et fin heureuse, démarcation des genres insuffisamment nette. Les réactions qu’il essuya après avoir écrit Le Cid blessèrent profondément Corneille et l’éloignèrent un temps du théâtre. Pour lui, l’imposition de règles aussi strictes nuisait à la créativité artistique et éloignait de la naturalité. On peut donc dire que Le Cid sort des conventions rigides de son époque. Corneille tient malgré tout compte de certaines règles. Le langage de la pièce, les thèmes de l’honneur et de la réputation, ou encore le sacrifice de soi pour l’ordre établi, l’alignent sur la culture de son temps. Par la forme, Le Cid est atypique ; par le style et le contenu, il reste en harmonie avec son époque.

L’idée principale de Le Cid repose sur le fait qu’une personne doit être prête à tout sacrifier pour préserver l’ordre établi et son honneur. Conflits et intrigue s’articulent ainsi. Les personnages sont contraints de choisir et l’ordre existant est privilégié. Ce choix tient à l’époque où vécut Corneille. Les pièces susceptibles d’ébranler l’ordre en place n’étaient guère tolérées. Le théâtre subsistait grâce au soutien royal ; s’écarter de la règle aurait été imprudent. L’orientation de Corneille ne peut donc être pensée indépendamment des facteurs politiques et économiques.


Éléments culturels

Du point de vue du contenu, on peut évoquer certains éléments culturels de la pièce : la pression exercée sur la femme dans la société, le mariage forcé, la monarchie, la glorification de l’héroïsme et le duel.

En bref, dans Le Cid les tendances culturelles, politiques, économiques et morales de l’époque apparaissent très nettement. Même si, sur le plan formel, la pièce ne s’accorde pas toujours avec son temps, elle entretient un lien organique avec la culture à laquelle elle appartient, elle tient compte des conditions économiques et politiques et met en avant une dimension morale et pédagogique.


2. Quelle valeur, vision ou philosophie les personnages principaux et opposants représentent-ils ?

Il n’y a pas de personnages clairement présentés comme porteurs d’une valeur, d’une vision ou d’une philosophie particulières. Ce sont plutôt les situations dans lesquelles ils se trouvent qui passent au premier plan. Néanmoins, on peut avancer quelques remarques selon leurs réactions à ces situations.

Don Rodrigue : Au début il est un amoureux innocent. Plus tard, face à un dilemme, il tue le père de sa bien-aimée. Il sacrifie son amour pour son honneur. Pour lui, l’honneur et la réputation priment toujours. Il incarne l’idéal de l’homme français : l’honneur avant tout, prêt à se sacrifier pour l’État. Ainsi passe-t-il du statut de victime à celui de héros.

Chimène : Elle aussi est une amoureuse innocente. Puis elle devient une victime en quête de justice pour son père assassiné. Cette justice ressemble ici à la vengeance. Comme Rodrigue, elle oscille entre amour et honneur. L’homme qui a tué son père est aussi celui qu’elle aime. D’abord résolue à effacer la tache jetée sur son honneur, elle choisit finalement l’amour au vu des événements.

Don Diègue : Sa nomination comme précepteur du prince provoque un conflit entre lui et Don Gomes. Mesuré au départ, l’insulte qu’il subit le pousse à se venger. Mais, comme pour Chimène, cela confine à la quête de justice. Diègue est un haut fonctionnaire de la cour, c’est ce qu’il représente.

Don Gomes : Homme d’État ayant beaucoup servi la couronne. Ses succès l’ont rendu orgueilleux. Il estime qu’on ne lui a pas rendu justice. Il s’oppose aux ordres du roi et insulte son remplaçant. C’est un symbole d’inadapté. Il meurt peu après dans la pièce.

Don Fernand : C’est le roi. Il incarne la mesure, l’ordre et la justice. Il tente d’être équitable.

Dona Urraque : Fille du roi, elle est dessinée avec la mesure que requiert sa position.

Don Arias : Fidèle assistant du roi.

Don Sache : Jeune homme amoureux de Chimène. Le texte ne s’attarde guère sur lui.

Don Alonse : Fidèle assistant du roi.

Leonor & Elvire : Ce sont les servantes. Elles représentent la classe inférieure.


Valeurs représentées par les personnages

Tous les personnages du drame se situent en opposition autour de la valeur de la mesure :

  • Excès vs Mesure Don Diègue vs Don Fernand Don Gomes vs Dona Urraque Don Rodrigue vs Don Arias Don Sache vs Don Alonse Chimène vs Leonor & Elvire

L’opposition de valeurs la plus déterminante pour le déclenchement du conflit est la suivante :

  • Orgueil vs Humilité Don Gomes vs Don Diègue, Don Rodrigue

Le conflit entre amour et honneur est donné à travers les deux personnages principaux ; à mesure que les événements se développent, chacun les incarne tour à tour :

  • Amour vs Honneur Chimène vs Don Diègue Don Diègue vs Chimène

3. Par quel moyen la pièce concrétise-t-elle la révolte contre le système ?

On peut répondre à cette question de deux manières : d’abord à travers un personnage qui s’oppose au système dans la pièce, puis à travers l’ensemble de l’œuvre qui se dresse contre le système.

Commençons par la première. Dans la pièce, le personnage qui menace le plus l’ordre établi est Don Gomes. Il remet en question la justice du roi et prétend que le royaume disparaîtra sans lui. Il meurt d’ailleurs rapidement. Par la suite, Chimène se plaint à son tour de l’absence de justice, ce qui constitue une autre forme d’opposition. En dehors de ces deux personnages, nul ne s’oppose au système.

Passons à la seconde. Par révolte contre le système, j’entends l’ordre existant et les petits ordres qu’il contient. On peut les illustrer ainsi : le régime politique d’un pays est son système ; les structures de gouvernement secondaires tissées en son sein sont des systèmes plus petits. Dans cette optique, on peut dégager l’attitude de Corneille face au système dans Le Cid.

Le Cid, par son idée centrale et par ses choix de sujet et de personnages, est en accord avec le système. La trame repose sur une impasse : semer la graine de la vengeance entre deux jeunes gens qui s’aiment. Lorsque cette graine germe, apparaît un dilemme entre honneur et amour. Dans l’ensemble, les personnages choisissent l’honneur. De ce point de vue, il n’y a pas de rébellion contre le système. Celui-ci veut évidemment que l’on privilégie l’honneur à l’amour. Pourtant, la pièce envisage que Chimène pardonne à l’homme qui a tué son père, c’est-à-dire qu’elle renonce à son honneur. C’est l’aspect le plus critiqué de Le Cid. Malgré tout, on peut dire que, sur le fond, la pièce reste en harmonie avec le système.

Nous avons dit que Le Cid est conforme au système sur le plan du contenu. Sur le plan de la forme, c’est tout le contraire. Par la forme qu’il donne au Cid, Corneille s’oppose aux théoriciens de son temps (ces petits systèmes). Il innove et cherche le naturel à une époque où l’on jurait par Aristote. Qu’il y parvienne ou non est discutable, mais au moins a-t-il osé défier le dogmatisme.


Bibliographie

  • BROCKETT, O. G. (2000). Histoire du théâtre. Istanbul : Dost Kitabevi.
  • CORNEILLE, P. (2009). Le Cid. Istanbul : Mitos Boyut.
  • ŞENER, S. (2008). Dünden Bugüne Tiyatro Düşüncesi. Istanbul : Dost Kitabevi.